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3 - Pre-trial detention of the minor

1. Les conditions de la détention provisoire du mineur

Art. L334-1 / L334-2 / L334-3 / L334-4 / L334-5 / L334-6 CJPM : mesures relatives à la détention provisoire du mineur.

Art. L423-11 et L423-12 CJPM : mesures prononcées avant la comparution du mineur devant la juridiction de jugement.

Art. 143-1 à 148-8 Code de procédure pénale : La détention provisoire est l’emprisonnement d’une personne qui n’a pas encore été jugée. Cette détention ne peut être ordonnée que dans les conditions prévues par la loi et pour une durée limitée. La détention provisoire est possible en cas d’information judiciaire, de comparution immédiate, de comparution à délai différé ou de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité. La détention provisoire est une mesure exceptionnelle, qui ne peut être ordonnée ou prolongée que si elle constitue l’unique moyen de parvenir à certains objectifs comme conserver les preuves ou les indices matériels ou encore mettre fin à l’infraction ou prévenir son renouvellement.

Le placement en détention provisoire n’est possible que si la personne mise en examen encourt une peine criminelle ou correctionnelle d’emprisonnement d’une durée égale ou supérieure à 3 ans, ou si elle s’est soustraite à une obligation du contrôle judiciaire.

 

1.1 Garanties spécifiques aux mineurs

  • La détention provisoire concerne seulement les mineurs de plus de 13 ans.

 

  • La détention provisoire ne peut être ordonnée que par le juge des enfants, le tribunal pour enfants ou le juge des libertés et de la détention. Il faut que cette mesure soit indispensable et qu’elle constitue l’unique moyen de parvenir à l’un des objectifs mentionnés à l’article 144 CPP.

 

  • Pour être placé en détention provisoire, le mineur de 13 à 16 ans doit encourir :
  • Une peine criminelle
  • Une peine correctionnelle s’il s’est volontairement soustrait à l’obligation de respecter les conditions de placement dans un centre éducatif fermé ordonné qu’en cas de violation répétée ou d’une particulière gravité de cette obligation ou si cette dernière s’accompagne de la violation d’une autre obligation du contrôle judiciaire, et lorsque le rappel ou l’aggravation de ces obligations n’est pas suffisant pour atteindre les objectifs prévus à l’article 144 CPP.

 

Le nouveau code est plus restrictif : l’ancien article 11 de l’ordonnance de 1945 prévoyait également le placement en détention provisoire du mineur de moins de 16 ans lors que celui-ci n’avait pas respecté son assignation à résidence.

  • Le mineur âgé de plus de 16 ans doit encourir :
  • Une peine criminelle
  • Une peine d’emprisonnement supérieure ou égale à 3 ans
  • S’il s’est volontairement soustrait à l’obligation de respecter les conditions de placement dans un centre éducatif fermé ordonné qu’en cas de violation répétée ou d’une particulière gravité de cette obligation ou si cette dernière s’accompagne de la violation d’une autre obligation du contrôle judiciaire, et lorsque le rappel ou l’aggravation de ces obligations n’est pas suffisant pour atteindre les objectifs prévus à l’article 144 CPP.

Réforme :

  • L334-3CJPM : le juge qui place un mineur en détention provisoire doit maintenant obligatoirement prononcer une mesure éducative
  • L423-12CJPM : le délai de la détention provisoire est de 1 mois maximum. Si l’audience de jugement n’a pas eu lieu durant cette période, le mineur est remis en liberté.

 

1.2 La durée de la détention provisoire

Avant la réforme :

  • Lorsque le mineur est placé temporairement en prison avant l’audience sur l’examen de culpabilité ou l’audience unique : ne peut excéder 1 mois.

 

  • Dans le cadre d’une enquête de police ou d’une instruction confiée à un juge, la durée du placement varie selon la peine encourue :
  • Lorsqu’il est soupçonné d’un délit, le mineur peut, en cours d’instruction, être placé en prison temporairement :
    • Si la peine risquée est inférieure à 10 ans : placement de 15 jours, qui peut être prolongé jusqu’à 30 jours.
    • Si la peine risquée est égale à 10 ans : placement d’un mois, qui peut être prolongé jusqu’à 2 mois.
  • S’il est soupçonné d’un crime, le mineur peut, en cours d’instruction, être placé en détention provisoire durant 6 mois, avec une prolongation possible jusqu’à 1 an.

 

  • A la fin de l’instruction, le mineur peut être placé temporairement en prison pour une durée de :
  • 2 mois avec une prolongation possible jusqu’à 3 mois pour un délit
  • 2 mois avec une prolongation possible jusqu’à 6 mois pour un crime

 

Après la réforme : Le délai de la détention provisoire est de 1 mois maximum. Si l’audience de jugement n’a pas eu lieu durant cette période, le mineur est remis en liberté (Art. L423-12 CPJM).

à Simplification du régime de détention provisoire applicable au mineur.

 

1.3 Jurisprudences

- Cour de cassation, Chambre criminelle, F-B n°21-87.007, 16 février 2022 : Le requérant, mineur, a été mis en examen des chefs de vols, extorsion, violences, arrestation, enlèvement, séquestration ou détention arbitraire, et dégradation ou destruction du bien d'autrui, aggravés, et a fait l'objet d'une incarcération provisoire. Le JLD a rendu à son égard une ordonnance de placement en détention provisoire, et une ordonnance instituant une mesure éducative judiciaire provisoire. L’appel interjeté par le requérant a confirmé l’ordonnance. Le pourvoi est formé au motif que cette mesure éducative doit être ordonnée dans la décision de placement en détention provisoire. Dès lors, en confirmant l'ordonnance de placement en détention provisoire et en ordonnant par décision séparée une mesure éducative sans faire état dans cette décision, la chambre de l'instruction aurait méconnu l'article L334-3 CJPM. La Cour de cassation considère que l'article L334-3 CJPM, faisant obligation au juge qui ordonne le placement en détention provisoire d'un mineur de prononcer une mesure éducative judiciaire provisoire, n'empêche pas que cette décision fasse l'objet d'une ordonnance distincte de celle qui prescrit le placement en détention. Le pourvoi est rejeté.

 

- Conseil constitutionnel, Décision n°2002-461 DC, 29 août 2002, cons. 42 et 43 : Est remise en question la conformité à la Constitution des articles 17 et 18 de la Loi d'orientation et de programmation pour la justice, qui prévoit la possibilité d’une mesure de détention provisoire à l’encontre de mineurs âgés entre 13 et 16 ans. Le Conseil énonce qu’en rétablissant à l’égard des mineurs « une possibilité de détention provisoire en matière correctionnelle s'ils méconnaissent les obligations du contrôle judiciaire, les dispositions critiquées n'ont privé de garantie aucune exigence de valeur constitutionnelle, compte tenu des conditions de procédure et de fond auxquelles reste subordonnée la détention provisoire » (cons. 42). Ainsi, la détention provisoire d’un mineur n’est possible que lorsque la mesure est indispensable ou qu’il est impossible d’en prendre une autre et les règles posées à l’article 144 et 145 du CPP doivent être respectées. De plus, la détention doit être effectuée dans un établissement spécialisé ou dans un établissement qui sépare mineurs et majeurs, en présence d’éducateurs. Enfin, la durée de la détention provisoire est limitée dans le temps (cons. 43). Dès lors, la détention provisoire du mineur de moins de 16 ans est conforme à la Constitution.

 

- Cour de cassation, Chambre criminelle, F-P+B+I n° 19-84.773, 16 octobre 2019  : Deux mineurs, Z... X... et H... C... ont été mis en examen le 6 juin 2018 pour l'assassinat d’un autre mineur. H... C... a indiqué qu'elle acceptait que le débat contradictoire, prévu pour l'éventuelle prolongation de sa détention provisoire, ait lieu par voie de visioconférence. Par télécopie, son avocat a fait connaître au juge des libertés et de la détention qu'il l'assisterait à la maison d'arrêt. Dès le début du débat contradictoire, l'avocat de la mineure a fait observer que le dossier de la procédure n'avait pas été mis à sa disposition à la maison d'arrêt et qu'il ne pouvait connaître la teneur des dernières auditions de Z... X... effectuées par le juge d'instruction. Retenant que l'avocat s'était abstenu de demander le dossier de la procédure, le JLD a prolongé par ordonnance la détention provisoire de H... C... En appel, l’avocat a soulevé l’exception de nullité du débat contradictoire pour infirmer le prolongement de la détention provisoire. La cour d’appel a infirmé l’ordonnance. Le procureur de la République forme le pourvoi contre l’arrêt de la cour d’appel. La Cour énonce que l'impossibilité pour l'avocat, qui a averti en temps utile le JLD de son choix de se trouver aux côtés de la personne mineure détenue à la maison d'arrêt, d'une part, d'obtenir une copie actualisée de l'entier dossier de la procédure, d'autre part, de se faire mettre à disposition dans les locaux de la détention l'intégralité du dossier, porte atteinte aux droits de la défense. L’avocat avait ainsi soulevé avec succès et fondement l’exception de nullité du débat contradictoire pour infirmer l’ordonnance de prolongement de la détention provisoire. Le pourvoi est rejeté.

Cour de cassation, Chambre criminelle, n°87-80.467, 17 juin 1987 : Un mineur, qui soutenait avoir 15 ans, est poursuivi pour des chefs de vol et d'infraction à la législation sur les étrangers. Le juge des enfants a ordonné son maintien en liberté au motif qu’un mineur de 15 ans bénéficiait de plein droit de l'excuse atténuante de minorité. A contrario, la cour d’appel, après avoir infirmé l'ordonnance de maintien en liberté et a ordonné son placement en détention provisoire aux fins de le faire examiner par deux experts pour déterminer son âge tout en affirmant sa remise en liberté dans le cas où les renseignements recueillis concluaient à un âge inférieur à 16 ans et si le requérant ne pouvait faire l'objet d'un placement éducatif. La cour d’appel, pour motiver sa décision indique que l'article 11 de l'ordonnance du 2 février 1945 prévoit « une mesure spécifique, de caractère préventif, prise dans l'intérêt du mineur » et qui « est étrangère au régime institué par les articles 144 et suivants du Code de Procédure Pénale ».  La Cour rappelle que selon l'article 8, al. 3, de l'ordonnance du 2 février 1945, le juge des enfants peut décerner tous mandats utiles en se conformant aux règles du droit commun, notamment celles prévues par les articles 144 et suivants du CPP, et sous réserve de l'article 11 de l'ordonnance.  L’article 11 de l’ordonnance dispose que le mineur âgé de moins de 16 ans ne peut être détenu provisoirement, en matière correctionnelle, que pour une durée n'excédant pas 10 jours, aux fins de recherche d'un placement éducatif. Dès lors, la cour d’appel a méconnu le sens de l’article 8 de l’ordonnance. La Cour casse et annule l’arrêt.

- Cour EDH, Requête 36475/10, Agit Demir c. Turquie, 27 février 2018 : Le placement en détention provisoire d’un mineur doit être une mesure de dernier ressort. La Cour rappelle que le placement de détention provisoire du mineur ne peut se faire que si des mesures moins sévères ont été envisagées (§38 à 44).

2. Le placement en détention provisoire du mineur comme mesure de dernier ressort uniquement

Cour EDH, Requête 36475/10, Agit Demir c. Turquie, 27 février 2018.

Juridiction : Cour européenne des droits de l’Homme

Nom : Requête 36475/10, Agit Demir c. Turquie

Date : 27 février 2018

Portée géographique : Portée nationale et régionale (respect de la Convention européenne des droits de l’Homme)

Thèmes : Le placement en détention provisoire d’un mineur de 13 ans

 

Résumé de l’affaire : Un mineur de 13 ans a été placé en détention provisoire en Turquie pour avoir participé à une manifestation pour la libération d’un opposant politique. Il soutenait que son placement en détention provisoire « n’était pas indispensable et qu’il n’existait pas de raisons plausibles de le soupçonner d’avoir commis une infraction pénale ». Il dénonçait particulièrement le fait que cette mesure n’avait pas été ordonnée en dernier ressort.

 

Problème de droit : Le placement en détention provisoire d’un mineur, alors même qu’il existait des mesures moins sévères, constitue-t-il une violation de l’article 5 § 1 c) (Droit à la liberté et à la sûreté) et 3 (Interdiction de la torture et des mauvais traitements) de la Convention européenne des droits de l’Homme ?

 

Portée / conclusion : Dans les §38 à 44, la CEDH rappelle que le placement en détention provisoire ne peut se faire que si des mesures moins sévères ont été envisagées, ce qui n’a pas été le cas en l’espèce. Elle conclut : « En conséquence, la Cour considère que le placement en détention d’un mineur âgé de 13 ans ne peut passer pour régulier au sens de l’article 5§1 de la Convention, compte tenu notamment de ce que les mesures alternatives, bien que prévues par le droit interne, n’ont pas été envisagées en l’espèce. Il s’ensuit qu’il y a eu violation de l’article 5§1 de la Convention » (§45).

 

 

 

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