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2 - Le droit d’être assisté par un interprète pour les mineurs poursuivis du chef d’un fait qualifié d’infraction en Belgique francophone

2.1 Les textes internationaux généraux

Le droit pour toute personne accusée de bénéficier d’un interprète est un droit consacré par une série de textes internationaux et européens.

2.1.1. Le Pacte international relatif aux droits civils et politiques

L’article 14. 3 (f) du Pacte international relatif aux droits civils et politiques dispose « que toute personne accusée d’une infraction pénale a droit, en pleine égalité, à se faire assister gratuitement ni elle ne comprend pas ou ne parle pas la langue employée à l’audience ».

2.1.2. La Convention européenne des droits de l’homme

L’article 6 §3 (e) de la Convention européenne des droits de l’homme prévoit que tout accusé a le droit de « se faire assister gratuitement d’un interprète, s’il ne comprend pas ou ne parle pas la langue employée à l’audience ».

Par sa jurisprudence, la Cour européenne des droits de l’homme a apporté les précisions suivantes. Les six points qui suivent reprennent l’analyse proposée par le guide de jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme (voy.  https://www.echr.coe.int/documents/guide_art_6_criminal_ fra.pdf). Ces six points ne représentent qu’une partie limitée des développements repris dans ce document.

  1. a) Le moment où cette garantie doit être respectée:

Elle doit l'être dès le moment où la personne se voit « officiellement notifier, par les autorités compétentes, le reproche d’avoir commis une infraction pénale, ou que les actes effectués par celles-ci en raison des soupçons qui pèsent contre l’intéressé ont des répercussions importantes sur sa situation » (Wang c. France, §37) sauf « à démontrer qu’il existe des raisons impérieuses de restreindre ce droit » (Baytar c. Turquie, §50). L’information du droit à un interprète doit se faire dans une langue que l’accusé comprend (Vizgirda c. Slovénie, 2018, §87).

  1. b) Ce que « ne pas comprendre ou ne pas parler la langue employée » signifie:

L’arrêt K. c. France précise que l’article 6, § 3, (e) ne s’applique que si l’accusé ne peut pas comprendre ou parler la langue utilisée lors de l’audience (K. c. France, 1983, §8). La Cour a toutefois précisé que « le fait qu’un accusé ait des connaissances de base de la langue de la procédure ou, éventuellement, d’une langue tierce vers laquelle une interprétation peut aisément être assurée, ne doit pas en soi l’empêcher de bénéficier d’une interprétation dans une langue qu’il comprend suffisamment pour exercer pleinement ses droits de la défense » (Vizgirda c. Slovénie, 2018, §83). En outre, cette disposition ne « s’applique qu’aux rapports entre l’accusé et le juge (…) la Commission estime qu’on en saurait attribuer (…) une portée si large qu’elle s’applique aux rapports entre l’accusé et son avocat » (X c. Autriche, 1975, §1).

  1. c) La signification de la gratuité:

          L’État ne peut réclamer à l’accusé « après coup le paiement des frais résultant de cette assistance » (Luedicke, Belkacem et Koç c. Allemagne, 1978, §46).

  1. d) L’étendue des obligations des autorités étatiques au sujet de cette garantie:

            Le juge a le devoir de s’assurer que l’absence d’interprète ne porte pas préjudice à la pleine participation de l’accusé à une affaire d’une importance cruciale pour lui (Cuscani c. Royaume-Uni, 2002, §38). En outre, l’obligation des autorités compétentes ne se limite pas à la désignation d’un interprète puisque, si elles sont mises au courant des circonstances particulières, elle peut également s’étendre à un certain contrôle ultérieur du caractère adéquat de l’interprétation fournie (Kamasinski c. Autriche, 1989, §74 ; Protopapa c. Turquie, 2009, § 80).

  1. f) Les éléments protégés par cette garantie : 

            La garantie prévue par l’article 6 § 3 (e) de la Convention s’applique aux «  déclarations orales à l’audience, mais aussi pour les pièces écrites et pour l’instruction préparatoire » (Kamasinski c. Autriche , 1989, §74 ; Hermi c. Italie , 2006, §70 ; Baytar c. Turquie, 2014, §49). Toutefois l’accusé ne peut pour autant exiger « une traduction écrite de toute preuve documentaire ou pièce officielle du dossier » (Kamasinski c. Autriche, 1989, §74). L’intervention d’un interprète doit en fait remplir deux objectifs : d’une part, permettre à l’accusé de savoir ce qu’on lui reproche et d’autre part, permettre à l’accusé de se défendre, notamment en livrant au tribunal sa version des évènements (Hermi c. Italie, 2006 ; Kamasinski c. Autriche, 1989, §74 ; Güngör c. Allemagne, 2002 ;  Protopapa c. Turquie, 2009, §80 ; Vizgirda c. Slovénie, 2018, §79).

  1. e) La possibilité de renoncer à cette garantie: seul l’accusé (et non son avocat) peut décider de renoncer à son droit à un interprète (Kamasinski c. Autriche, 1989, §80).

            2.1.3. Les directives de l’Union européenne

Deux directives de l’Union européenne sont consacrées à la question du droit à un interprète.

La directive 2010/64/UE du Parlement européen et du Conseil du 20 octobre 2010 relative au droit à l’interprétation et à la traduction dans le cadre des procédures pénales prévoit une série de dispositions sur cette question. C’est plus spécifiquement son article 2 qui s’attarde en huit points à la question de l’interprétation.  Cet article dispose que :

  1. Les États membres veillent à ce que les suspects ou les personnes poursuivies qui ne parlent ou ne comprennent pas la langue de la procédure pénale concernée se voient offrir sans délai l’assistance d’un interprète durant cette procédure pénale devant les services d’enquête et les autorités judiciaires, y compris durant les interrogatoires menés par la police, toutes les audiences et les éventuelles audiences intermédiaires requises.
  2. Si cela est nécessaire pour garantir le caractère équitable de la procédure, les États membres veillent à la mise à disposition d’un interprète lors des communications entre les suspects ou les personnes poursuivies et leur conseil juridique ayant un lien direct avec tout interrogatoire ou toute audience pendant la procédure, ou en cas d’introduction d’un recours ou d’autres demandes dans le cadre de la procédure.
  3. Le droit à l’interprétation visé aux paragraphes 1 et 2 comprend l’assistance appropriée apportée aux personnes présentant des troubles de l’audition ou de la parole.
  4. Les États membres veillent à la mise en place d’une procédure ou d’un mécanisme permettant de vérifier si les suspects ou les personnes poursuivies parlent et comprennent la langue de la procédure pénale et s’ils ont besoin de l’assistance d’un interprète.
  5. Les États membres veillent à ce que, conformément aux procédures prévues par le droit national, les suspects ou les personnes poursuivies aient le droit de contester la décision concluant qu’une interprétation n’est pas nécessaire et, lorsque ce service a été offert, la possibilité de se plaindre de ce que la qualité de l’interprétation est insuffisante pour garantir le caractère équitable de la procédure.
  6. Le cas échéant, il est possible de recourir à des moyens techniques de communication tels que la visioconférence, le téléphone ou l’internet, sauf si la présence physique de l’interprète est requise pour garantir le caractère équitable de la procédure.
  7. Dans les procédures relatives à l’exécution d’un mandat d’arrêt européen, l’État membre d’exécution veille à ce que ses autorités compétentes fournissent aux personnes visées par une telle procédure qui ne parlent pas ou ne comprennent pas la langue de celle-ci l’assistance d’un interprète conformément au présent article.
  8. L’interprétation prévue par le présent article est d’une qualité suffisante pour garantir le caractère équitable de la procédure, notamment en veillant à ce que les suspects ou les personnes poursuivies aient connaissance des faits qui leur sont reprochés et soient en mesure d’exercer leurs droits de défense.

La directive 2012/13/UE du parlement européen et du conseil du 22 mai 2012 relative au droit à l’information dans le cadre des procédures pénales touche quant à elle à la question de l’interprétation aux articles 3.1 d) et 4.5. L’article 3.1 d) précise que les États membres veilleront à ce que les suspects ou les personnes poursuivies reçoivent rapidement l’information de leur droit à l’interprétation et à la traduction. L’article 4.5 quant à lui dispose que :

Les États membres veillent à ce que les suspects ou les personnes poursuivies reçoivent la déclaration de droits par écrit dans une langue qu’ils comprennent. Lorsque la déclaration de droits n’est pas disponible dans la langue appropriée, les suspects ou les personnes poursuivies sont informés de leurs droits oralement dans une langue qu’ils comprennent. Une version de la déclaration de droits dans une langue qu’ils comprennent leur est alors transmise sans retard indu.

2.2 Les textes internationaux spécifiques aux mineurs

Pour les mineurs accusés, le droit à l'interprète est garanti par l’article 40 (2) (b) (vi) de la Convention relative aux droits de l’enfant : tout enfant suspecté ou accusé d'infraction à la loi pénale doit avoir droit à la garantie de se faire assister gratuitement d'un interprète s'il ne comprend pas ou ne parle pas la langue utilisée.

Au sujet de cette disposition, dans son observation n°24 sur les droits de l’enfant dans le système de justice pour enfants, le Comité des droits de l’enfant apporte les précisions importantes suivantes :

  • La procédure devrait se dérouler dans une langue que l’enfant comprend parfaitement, faute de quoi les services d’un interprète doivent être fournis gratuitement (point 46).
  • L’enfant a le droit de bénéficier gratuitement de l’assistance d’un interprète à tous les stades de la procédure s’il ne comprend pas la langue utilisée dans le système de justice pour enfants ou s’il ne peut pas s’exprimer (point 64).
  • L’interprète devrait avoir été formé à travailler avec des enfants (point 64).
  • Les États parties devraient fournir l’assistance appropriée et efficace de professionnels qualifiés aux enfants qui ont des difficultés à communiquer (point 65).

2.3 Les textes de droit belge

Le droit de la procédure devant les juridictions de la jeunesse est une compétence fédérale. Actuellement, elle est réglée par deux textes. Le premier est le Code d'instruction criminelle qui s'applique à toute personne poursuivie pour avoir commis une infraction. Le second est spécifique aux enfants. Il s'agit de la loi du 8 avril 1965 relative à la protection de la jeunesse, à la prise en charge des mineurs ayant commis un fait qualifié infraction et à la réparation du dommage causé par ce fait (ci-après, loi du 8 avril 1965). Elle prévoit des dérogations au Code d'instruction criminelle concernant certaines questions de procédure. L'article 62 de la loi du 8 avril 1965 précise qu'en l'absence d'une telle dérogation, la procédure devant le tribunal de la jeunesse est celle prévue par le Code d'instruction criminelle pour les procès devant le tribunal correctionnel.

Concernant l'assistance d'un interprète, la loi du 8 avril 1965 ne prévoit rien de particulier.

Concernant l'assistance par un interprète, l'article 189 du Code d'instruction criminelle prévoit qu'en matière correctionnelle, on applique l'article 152bis du Code d'instruction criminelle qui traite de la question pour les procédures devant le tribunal de police. Ce textes dispose que :

Si le prévenu ou la partie civile ne comprend pas ou ne parle pas la langue de la procédure ou si le prévenu ou la partie civile souffre de troubles de l'audition ou de la parole, le tribunal nomme d'office un interprète assermenté. Si l'intéressé souffre de troubles de l'audition ou de la parole, il a le droit de demander que cette assistance soit complétée par celle de la personne qui a le plus l'habitude de converser avec lui. Le procès-verbal de l'audience mentionne l'assistance de l'interprète assermenté, son nom et sa qualité ainsi que, le cas échéant, le nom du tiers qui a fourni l'assistance. Les frais de l'interprétation sont à charge de l'Etat.

Concernant les auditions à la police, devant un magistrat du parquet ou devant un juge d'instruction, l'article 31 de la loi du 15 juin 1935 sur l'emploi des langues dispose que :

Dans tous les interrogatoires de l'information et de l'instruction ainsi que devant les juridictions d'instruction et les juridictions de jugement, les parties qui comparaissent en personne font usage de la langue de leur choix pour toutes leurs déclarations verbales.

Si les agents chargés de l'information, le parquet, le magistrat instructeur, ou les susdites juridictions ne connaissent pas la langue dont il est fait usage par les parties, ils font appel au concours d'un interprète juré.

Les parties qui ne comprennent pas la langue de la procédure sont assistées par un interprète juré qui traduit l'ensemble des déclarations verbales. [1 La nécessité de l'interprétation est évaluée par l'autorité compétente selon la phase de la procédure.

Les frais de traduction sont à charge du Trésor.

Concernant les personnes qui peuvent exercer la fonction d'interprète, l'article 555/6 du Code judiciaire précise que sauf l'exception prévue à l'article 555/15, seules les personnes qui, sur décision du ministre de la Justice ou du fonctionnaire délégué par lui et ce, sur avis de la commission d'agrément, sont inscrites au registre national des experts judiciaires et des traducteurs, interprètes et traducteurs-interprètes jurés sont autorisées à porter le titre d'expert judiciaire et habilitées à accepter et accomplir des missions en tant qu'expert judiciaire ou à porter le titre de traducteur, interprète ou traducteur-interprète juré et habilitées à effectuer des travaux de traduction ou d'interprétation qui leur sont confiés en vertu de la loi. Les articles suivants précisent les conditions que doivent remplir les interprètes pour être inscrits au registre qui est tenu par le SPF Justice. Le Roi fixe, quant à lui, le Code de déontologie qui doit être respecté par les interprètes. Celui-ci fait l'objet de l'arrêté royal du 18 avril 2017 fixant le code de déontologie des traducteurs, interprètes et traducteurs-interprètes jurés désignés en application de la loi de 10 avril 2014 modifiant diverses dispositions en vue d'établir un registre national des experts judiciaires et établissant un registre national des traducteurs, interprètes et traducteurs-interprètes jurés.

L'article 555/15 du Code judiciaire dispose que sans préjudice de l'article 555/6, l'autorité qui confie la mission peut, par une décision motivée, désigner un expert judiciaire ou un traducteur, un interprète ou un traducteur-interprète juré qui n'est pas inscrit au registre national des experts judiciaires ou des traducteurs, interprètes et traducteurs-interprètes jurés dans les cas mentionnés ci-après :

   -        en cas d'urgence;

   -        si aucun expert judiciaire ayant l'expertise et la spécialisation requises n'est disponible ou si aucun traducteur, interprète ou traducteur-interprète juré n'est disponible pour la langue concernée;

   -        si le registre national ne comporte aucun expert judiciaire disposant de l'expertise et de la spécialisation nécessaires au regard de la nature spécifique du litige ou si le registre national, étant donné la rareté de la langue, ne comporte aucun traducteur, interprète ou traducteur-interprète juré disposant de la connaissance requise de la langue concernée.

Contrairement à ce qui est prévu à l'article 555/16 du Code judiciaire pour la matière civile, dans la procédure correctionnelle les interprètes ne peuvent pas refuser une mission.

L'article 184bis, al. 4 du Code d'instruction criminelle garanti également le droit à un interprète pour assister l'avocat dans la préparation de la défense lorsque ce dernier ne parle pas la langue du mineur :

Si le prévenu ou l'inculpé ne parle aucune des langues nationales, le bureau d'aide juridique désigne un défenseur connaissant la langue du prévenu ou de l'inculpé ou une autre langue que celui-ci connaît. A défaut de pouvoir y satisfaire, le bureau d'aide juridique adjoint à l'avocat en vue de lui permettre de préparer la défense du prévenu ou de l'inculpé, un interprète dont les émoluments sont pris en charge par le Trésor, à concurrence au maximum d'une durée de vacation de trois heures. Les états d'honoraires sont arrêtés par le bureau d'aide juridique. Les allocations sont calculées en application du règlement général sur les frais de justice en matière répressive.

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