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4 - Les conditions de détention

L’incidence de l’âge du mineur sur les sanctions

Art. L121-5 Code de Justice Pénale des Mineurs : Principe d’atténuation des peines des mineurs 

« Le tribunal pour enfants et la Cour d'Assises des mineurs ne peuvent prononcer une peine privative de liberté supérieure à la moitié de la peine encourue.

La diminution de moitié de la peine encourue s'applique également aux peines minimales prévues par l'article 132-18 du Code Pénal.

Si la peine encourue est la réclusion criminelle ou la détention criminelle à perpétuité, elle ne peut être supérieure à vingt ans de réclusion criminelle ou de détention criminelle.

Les dispositions de l'article 132-23 du Code Pénal relatives à la période de sûreté ne sont pas applicables aux mineurs ».

 

Art. L121-6 CJPM : « Il ne peut être prononcé à l'encontre d'un mineur une peine d'amende supérieure à la moitié de la peine encourue ni une peine d'amende excédant 7 500 euros ».

Garanties pour le mineur d’au moins 13 ans

-  Le contrôle judiciaire : Ce contrôle est possible, en matière délictuelle, si la peine encourue est supérieure ou égale à 7 ans ou selon certaines conditions pour les peines supérieures ou égales à 5 ans (Art L331-1 CJPM).

 

- La détention en matière délictuelle n’est possible que selon les 2 conditions prévues aux Art. L334-4 et L334-5 CJPM.

 

- Le placement sous assignation à résidence avec surveillance électronique est impossible (Art. L333-1 CJPM).

 

- La détention provisoire est impossible pour les moins de 13 ans au moment de la commission des faits (Art. L334-1 CJPM) et répond à des garanties spécifiques pour les mineurs entre 13 et 16 ans (Art. L334-4 ; Art. L433-2 ; Art. L433-8 ; Art. L433-4 ; Art. L423-11 ; Art. L521-10 ; Art. L521-21 CJPM).

 

- La peine de travaux d’intérêts généraux est impossible lorsque le mineur a moins de 16 ans au moment du prononcé de la sanction ET moins de 13 ans lors de la commission de l’infraction (Art. L122-1 CPJM).

 

-En cas de condamnation à l’emprisonnement, il n’est pas possible de déroger au principe de diminution des peines.

Sanctions pour le mineur de plus de 16 ans

- Possibilité d’une peine visant à accomplir un contrat de service en établissement public d'insertion de la défense mentionné aux articles L130-1 à L130-5 du code du service national, sauf en cas de refus du prévenu ou en son absence à l’audience (Art. L122-2, 5° CPJM).

 

ATTENTION : les règles d'atténuation des peines peuvent être écartées « à titre exceptionnel et compte tenu des circonstances de l'espèce et de la personnalité du mineur ainsi que de sa situation » (Art L121-7 CJPM).

 

Jurisprudences

  • Cour de cassation, Chambre criminelle, n°68-90.760, 11 juin 1969: Un mineur a été déféré par voie de citation directe devant un tribunal correctionnel pour défaut de permis de conduire et d’assurance, après avoir faussement affirmé aux policiers et aux juges d’être majeur de 18 ans. Or en juin 1968, au moment des faits il était mineur. En septembre 1968, alors majeur de 18 ans, il a été condamné par le tribunal correctionnel à 300 francs d’amende. Le procureur général forme un pourvoi dans l’intérêt de la loi et du condamné au motif de la compétence du tribunal correctionnel.  

La Cour rappelle que c’est l’âge au moment des faits qui détermine la juridiction compétente et les sanctions, même si au moment des poursuites l’individu est un majeur. La décision du tribunal n’est pas légale car la juridiction compétente pour statuer sur des violations alléguées contre des mineurs est le tribunal pour enfants. La Cour casse et annule le jugement du Tribunal correctionnel.

 

  • Cour de cassation, Chambre criminelle, n°85-93.591, 3 septembre 1985: Un mineur a été envoyé devant la Cour d’Assises des mineurs pour un crime commis le 19 avril 1983 vers 16h. Pourtant, le mineur était né le 19 avril 1967 à 11h15. La Cour d’Assises des mineurs estime que le mineur était justiciable devant elle car il était âgé de 16 ans accompli. L’avocat estime qu’étant né le 19 avril 1967, le prévenu n’avait pas atteint l’âge de 16 ans révolus au moment des faits, et donc n’était pas justiciable devant la Cour d’Assises des mineurs mais devant le tribunal pour enfants. 

La Cour considère que « l’âge d’une personne est déterminé par le temps écoulé depuis sa naissance, calculé d’heure à heure ». La Cour casse et annule le jugement de la Cour d’Appel.

 

  • Cour de cassation, Chambre criminelle, n°87-84.337, 11 mai 1988 : Un mineur est condamné à 18 ans de réclusion criminelle avec une période de sûreté aux deux tiers de la peine pour viols et tentatives de viols aggravés, vols et tentatives de vols avec port d'arme, attentat à la pudeur commis sous la menace d'une arme, violences avec arme et menaces de mort sous condition. S’est posé la question de l’application de l’article 730-3 du CPP [alors applicable], qui prévoit en cas de condamnation pour certaines infractions une période de sûreté durant laquelle le condamné ne pourra bénéficier d’aucun aménagement de la peine prononcée à son encontre.

La Cour confirme que cet article ne s’applique aux mineurs. La Cour casse et annule l’arrêt.

 

  • Cour de cassation, Chambre criminelle, n°07-84.830, 10 octobre 2007 : Le Procureur de la République a, par voie de requête pénale, saisi le juge des enfants d'une procédure contre Jordy X..., en requérant le placement du mineur sous contrôle judiciaire assorti de l'obligation de résider dans un centre éducatif fermé. Le juge des enfants a prononcé deux mesures distinctes. La première ordonne le placement du mineur sous contrôle judiciaire assorti de l'obligation de résider dans un centre éducatif fermé. La seconde prescrit le placement du mineur dans un centre éducatif fermé. Jordy X... a interjeté appel de « la décision de placement dans un centre éducatif fermé ».  La chambre spéciale des mineurs a confirmé la décision déférée. Jordy X… se pourvoi en cassation.

La Cour rappelle « que le placement dans un centre éducatif fermé ne constitue qu'une modalité du contrôle judiciaire ». Dès lors, l'appel de l'ordonnance du juge des enfants du placement dans un tel établissement, même s'il ne vise pas l'ordonnance de placement sous contrôle judiciaire, relève de la compétence de la chambre de l'instruction et non de la chambre spéciale des mineurs de la Cour d'Appel. La Cour casse et annule la décision de la Cour d’Appel.

  • Cour de cassation, Chambre criminelle, n°87-80.467, 17 juin 1987 : Un mineur, qui soutenait avoir 15 ans, est poursuivi pour des chefs de vol et d'infraction à la législation sur les étrangers. Le juge des enfants a ordonné son maintien en liberté au motif qu’un mineur de 15 ans bénéficiait de plein droit de l'excuse atténuante de minorité. A contrario, la Cour d’Appel, après avoir infirmé l'ordonnance de maintien en liberté et a ordonné son placement en détention provisoire aux fins de le faire examiner par deux experts pour déterminer son âge tout en affirmant sa remise en liberté dans le cas où les renseignements recueillis concluaient à un âge inférieur à 16 ans et si le requérant ne pouvait faire l'objet d'un placement éducatif. La Cour d’Appel, pour motiver sa décision indique que « l’effet de l'excuse atténuante de minorité doit être apprécié au regard de la peine encourue compte tenu de la situation pénale du mineur et notamment des conditions de la récidive ».

Or, la Cour rappelle que l’excuse de minorité ne doit être prise en compte que lors du prononcé de la peine par la juridiction de jugement. La Cour casse et annule l’arrêt.

 

  • Cour de cassation, Chambre criminelle, n°21-82.643, 16 février 2022: [F] [P] et son épouse Mme [O] [P] ont été victimes d'une agression commise par quatre personnes. Les investigations menées ont conduit à l'arrestation des auteurs de l'agression parmi lesquels M. [W] [Z], majeur au moment des faits, un autre auteur étant, à la même date, mineur, âgé de plus de seize ans.  Du fait de la minorité de l’un des accusés, ils ont été mis en accusation devant la Cour d'Assises des mineurs des Bouches-du-Rhône, qui les a déclarés coupables. Elle a condamné M. [Z] à huit ans d'emprisonnement. M. [Z] a interjeté appel des arrêts pénal et civil. Saisi du seul appel de M. [Z], majeur au moment des faits reprochés, le premier président de la Cour d'Appel d'Aix-en-Provence a désigné la Cour d'Assises de droit commun des Alpes-Maritimes pour statuer en appel. La Cour d’Appel a confirmé la condamnation. Le requérant a formé un pourvoi en cassation au motif « que l'ordonnance de mise en accusation est attributive de juridiction ; que l'appel de la décision rendue par une Cour d'Assises des mineurs ne pouvait être jugé que par une autre Cour d'Assises des mineurs, la Cour d'Assises des Alpes-Maritimes a excédé ses pouvoirs et violé les articles 20 et 24 de l'ordonnance du 2 février 1945, 380-1 et 380-14, 231 du Code de Procédure Pénale. »

La Cour a rejeté le pourvoi au motif que « d'une part, la compétence de la Cour d'Assises des mineurs, édictée dans le seul intérêt des mineurs, est exceptionnelle. » D’autre part, « en cas d'appel d'un arrêt de la Cour d'Assises des mineurs émanant d'un seul accusé majeur, la compétence de la Cour d'Assises de droit commun désignée comme juridiction d'appel participe de l'objectif de valeur constitutionnelle d'une bonne administration de la justice en ce qu'elle n'induit pas les mêmes contraintes d'organisation des débats. ». Dès lors, il « en résulte que l'appel de l'arrêt pénal de la cour d'assises des mineurs est porté devant la Cour d'Assises de droit commun, lorsque, par l'effet des appels, seuls restent à juger des accusés majeurs à la date des faits. La Cour d’Assises, en ne déclinant pas sa compétence, n’a donc pas excédé ses pouvoirs.  Le pourvoi est rejeté.

 

- Conseil constitutionnel, Décision n° 2002-461 DC, 29 août 2002 : Est remise en question la conformité à la Constitution des articles 11, 12 et 13 de la Loi d'orientation et de programmation pour la justice, qui insèrent en matière de justice pénale des mineurs le principe de sanction éducative. Les deux saisines reprochent à ces dispositions de méconnaître les principes fondamentaux des lois de la République (PFRLR) qui excluraient la responsabilité pénale des enfants et consacreraient la primauté de l'éducatif sur le répressif (§ 31). Le Conseil rappelle que « l'atténuation de la responsabilité pénale des mineurs en fonction de l'âge, comme la nécessité de rechercher le relèvement éducatif et moral des enfants délinquants par des mesures adaptées à leur âge et à leur personnalité, prononcées par une juridiction spécialisée ou selon des procédures appropriées, ont été constamment reconnues par les lois de la République depuis le début du vingtième siècle » (§ 26).

 

Toutefois, le Conseil considère que « les principes constitutionnels propres à la justice des mineurs ne s'opposent pas à ce que leur soient infligées des sanctions telles que celles énumérées ci-dessus, lesquelles ont toutes, au demeurant, une finalité éducative », dès lors qu’en application du principe de proportionnalité des peines, « ces sanctions prendront naturellement en compte les obligations familiales et scolaires des intéressés ».  Les sanctions éducatives ne sont donc pas contraires au PFRLR de la justice pénale des mineurs, sous réserve qu’elles soient appréciées au regard des obligations spécifiques incombant au mineur (§ 32). Les articles instaurant le principe de sanction éducative sont conformes à la Constitution.

 

 

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